Vision de l'ïle
Vivre sur une île c’est se retrouver face à soi-même. La frontière géographique délimitée par la mer est comme mon cerveau avec sa capacité à extraire un imaginaire, en même temps qu’à étudier un monde terriblement humain et fermé.
Face à la mer, je suis face au néant et à l’éternité. Les deux pieds rivés au sol, je me dois de tenir le cap de l’immobilisme et de l’isolement. Je n’ai besoin de rien d’autre que de la bienveillance pour mon prochain, du pain pour l’estomac, et un toit pour la tête. Mes yeux ont graver les images subliminales d’une propagande médiatique déversée sans comptée, sans qualité et sans élégance souvent, depuis des années. Dorénavant, ils n’aspirent qu’à se calquer et se poser sur l’horizon azur, comme on se couche sur un matelas d’angoisses et de larmes, tel un ennemi maîtrisé.
Sur le rocher enraciné, je parcoure des paysages changeants, traverse des chants de nature et d’hommes marqués du sceau de l’île: un trou noir dans le bleu marin à la surface de
Je plonge dans ce trou comme je plonge en moi-même. Pour m’y retrouver et pour m’y perdre aussi.
Là, personne d’autre que moi ne saurait être responsable de mes errances ou de mes chimères. Lovée dans cette matrice, je règle seule son compte à ma vie, sans échappatoire. Là, je suis à nouveau un petit corps d’enfant qui pousse dans le ventre d’une mère, vierge du dehors, sans entraves.
Je renais dans un Paradis figé d’une Beauté presque insoutenable, chuchotant à mon oreille son Eternité, quand moi-même j’aurai fait Mon Temps. Il ne tient qu’à moi de m’expulser de cet endroit provocant. Faudrait-il sortir de mon trou pour sauter dans un autre plus grand, plus peuplé, plus diversifié ? Est-ce vraiment cela le plus important lorsque je prétends me rapprocher de mon prochain et de ma propre nature ? Rester ou partir. Telle est la question qui ne s’impose pas.
Je ne peux me résoudre à franchir la mer comme on franchirait le pas. Parce qu’il me plait de penser encore aujourd’hui, comme lorsque j’étais enfant, qu’en marchant sur la terre ferme, seule la poussée de mon talon fait tourner la planète, comme les milliards d’autres talons qui font se tenir les hommes debout. Libres.
Une îlenne